Repenser notre rapport au monde – Troisième partie

Chère amie, cher ami,

Au cours des deux premières lettres « Repenser notre rapport au monde », nous avons parcouru les cinq premiers points du programme de santé globale « ÉPICURE », proposé par le professeur Gilbert Deray[1].

Nous en arrivons au sixième point, avec un invité inattendu : le rire.

« Cœur joyeux améliore la santé, esprit déprimé dessèche les os »[2]

Le rire, ce son que le bébé émet à peine quelques mois après sa naissance et que guette sa mère avec émerveillement, est bien inscrit dans nos gènes. Le professeur Deray cite une étude[3] qui confirme que les personnes ayant une appétence pour le rire ont un chromosome en particulier qui est plus court que celui des autres personnes.

Il ajoute que, selon une étude japonaise[4], le rire active des gènes guérisseurs chez les diabétiques, stimule le système immunitaire, augmente le nombre des lymphocytes-T dits « killers » dans la moelle osseuse, qui nous permettent de nous défendre contre les infections, diminue la sécrétion de cortisol, principale hormone du stress, et augmente la sécrétion des hormones liées à la sérénité et à la qualité du sommeil : sérotonine, endorphines, dopamine et mélatonine.

C’est pourquoi le rire est fortement conseillé par les fédérations de cardiologie nord-américaines et françaises.

« Rire de bon cœur » n’est pas une expression anodine !

La « rigolothérapie » a été expérimentée et théorisée en 1964 par le docteur Norman Cousins. Je me souviens très bien du livre[5] impressionnant qui relate sa guérison d’une grave spondylarthrite ankylosante[6], après avoir quitté l’hôpital à l’univers anxiogène, s’être installé à l’hôtel pour se faire projeter des films comiques et avoir fait des injections de vitamine C à haute dose. Cette guérison par le rire est également relatée dans une lettre de Jean-Marc Dupuis de 2014[7].

Depuis, les « clowns thérapeutiques » ont fait leur apparition dans les hôpitaux, et plus particulièrement dans les services d’oncologie pédiatrique. Le précurseur fut le docteur Patch Adams, au début des années 1980, qui fut incarné à l’écran par Robin Williams dans le film « Docteur Patch »[8].

Le rire est aussi bon pour le cerveau que pour le cœur, l’immunité et le vieillissement. N’avez-vous pas remarqué que les centenaires d’Okinawa ont toujours le sourire aux lèvres ? Si vous voulez faire une expérience personnelle, je vous propose de visionner ces vidéos[9] mises en ligne le jour de la journée nationale du rire, le 30 avril 2019. Il existe aussi ce qu’on appelle « le yoga du rire » : on commence par rire de manière forcée, et ces rires guidés vont peu à peu laisser la place à des rires réels très contagieux, sans pour autant recourir à l’humour ou aux blagues.

Bien sûr, le rire et l’humour doivent être pratiqués avec tact et discernement, car ils peuvent froisser certaines susceptibilités. Certains sophrologues le proposent comme thérapie à leur patient en leur proposant de visionner des vidéos humoristiques gratuites sur Internet[10].

Même s’il n’est pas évident de rire lorsque l’on souffre physiquement et psychiquement du fait d’un deuil, d’une séparation ou de l’annonce d’une maladie grave, le rire peut soulager, en répondant à un bon mot délicat d’un proche ou d’un thérapeute averti et respectueux.

La qualité du sommeil en septième point

Il existe actuellement une mode : dormir moins pour faire plus. C’est une habitude mortifère et un poison épigénétique qui déstabilisent nos « gènes-horloges » régulateurs du sommeil et impliqués, comme le remarque Gilbert Deray, dans le cancer, le diabète, les maladies cardiovasculaires et neurologiques[11].

En effet, les troubles du sommeil :

  • diminuent l’activité de la télomérase et donc accélèrent le vieillissement[12];
  • augmentent les taux de cortisol, indicateur de stress ;
  • baissent les taux de mélatonine, de dopamine, de sérotonine et d’endorphines ;
  • augmentent le stress oxydant[13];
  • diminuent l’immunité ;
  • augmentent l’inflammation chronique du côlon, les colopathies, les troubles du transit (diarrhées, constipation) ainsi que les récidives de la maladie de Crohn[14];
  • augmentent considérablement les risques cardiovasculaires, les risques de cancer, de dépressions, de troubles cognitifs (mémoire et concentration), de maladie d’Alzheimer et de démence à corps de Léwy[15].

Les troubles du sommeil ne doivent jamais être pris à la légère. Ils peuvent nécessiter une consultation chez un spécialiste et même un séjour dans un service hospitalier qui saura préciser la nature du trouble.

Face à une fatigue inexpliquée, des endormissements diurnes et le constat d’un risque biologique cardiovasculaire, il faut aussi s’interroger sur le risque d’apnées du sommeil et consulter un spécialiste. Si ces apnées se confirment, elles doivent être traitées par des mesures hygiéno-diététiques (diminution de l’alcool et perte de poids), des orthèses mandibulaires ou des appareils à « pression positive »[16] que l’on utilise la nuit.

Certains troubles du sommeil peuvent aussi être liés à une dépression méconnue et nécessiter ponctuellement la prescription d’antidépresseurs appropriés, que l’on essaiera de relayer le plus rapidement possible par des mesures plus inoffensives, que j’ai détaillées dans trois lettres[17].

Nous sommes malheureusement obligés de constater que le problème n’est pas simple, et je suis le premier à le savoir car, comme 16 % des Français[18], je ne dors pas vraiment bien. Dans une prochaine lettre, je vous parlerai de toutes les mesures naturelles que j’ai tentées… avec plus ou moins de succès. 

Nous aimer les uns les autres… ou mourir 

Voilà qui est radical ! Mais vous allez vite comprendre pourquoi il est essentiel d’aimer. C’est le huitième pilier du programme « ÉPICURE ».

Les Grecs anciens reconnaissaient principalement trois types d’amour, tous aussi essentiels à l’équilibre et à la santé humaine et animale[19] :

L’amour Eros : rien à voir avec l’érotisme tel qu’il est compris aujourd’hui. C’est une référence au dieu Eros, dieu de l’amour chez les Grecs, et il symbolise une pulsion irrésistible qui conduit deux êtres à se regarder avec amour, à se toucher, à s’embrasser et à véritablement se nourrir de ce contact, indépendamment de toute pulsion sexuelle. Le contact aimant soigne et nourrit à tout âge : le prématuré en couveuse a un besoin essentiel de le sentir, comme la mère éprouve aussi le besoin de placer son nouveau-né sur son ventre pour l’apaiser de la souffrance de la naissance. On souffre d’être attiré(e) comme un aimant, de façon parfois totalement irrationnelle, lorsque cette attirance n’est pas réciproque. Mais cet « eros » nourrit mieux que tout autre sentiment et, lorsqu’il s’éloigne ou s’arrête, comme le dit très bien le poète Lamartine : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » !

L’amour Philia : c’est une relation d’amitié, d’estime mutuelle, d’égal à égal et réciproque. La Philia n’a pas le sens d’une simple amitié comme on la définit aujourd’hui. L’ami n’est pas seulement celui avec qui on passe de bons moments, mais celui sur lequel on peut compter inconditionnellement, et réciproquement. C’est une affaire de respect et de devoir. C’est l’ami que l’on embrasse et prend dans ses bras… et l’on n’embrasse pas n’importe qui !
C’est une amitié qui tend vers la tendresse, la générosité, mais toujours dans la réciprocité.

L’amour Agape : c’est l’amour du prochain sans attente de réciprocité ou même de lien ; on peut le rapprocher de l’altruisme. Rien à voir avec la simple camaraderie. Difficile de laisser passer la référence au très beau livre du bouddhiste Matthieu Ricard[20], au dos duquel on trouve cette belle réflexion : « On n’imagine pas la force de la bienveillance, le pouvoir de transformation positive qu’une véritable attitude altruiste peut avoir sur nos vies au plan individuel et, partant, sur la société toute entière ».

Toutes ces facettes de l’amour sont, quoiqu’on en dise, absolument nécessaires et complémentaires. Elles sont des « nécessités neuronales[21] » : comme les autres piliers du programme, elles allongent les télomères, améliorent l’immunité et la libération d’hormones telles que l’ocytocine[22], la dopamine et la sérotonine.

« Chez le rat, les câlins de la mère aux souriceaux (sous forme de léchage) augmentent la taille des télomères et activent un gène (NR3C1) qui permet de diminuer les effets du cortisol et donc du stress. »[23]

La sexualité et l’état amoureux épanouissants et bénéfiques sont possibles et permis sans limite d’âge. Ils ne peuvent être freinés que par des préjugés obsolètes, des interdits culturels ou religieux et la peur du regard des autres. Pour conclure ce chapitre, je vous invite à lire l’histoire[24] d’Églantine (89 ans), souffrant de multiples pathologies, et de Victor (95 ans), amoureux et ravis comme des tourtereaux dans leur maison de retraite.

Faites du sport !

Je termine ce parcours « ÉPICURE » avec la pratique physique, maintenant prescrite sur ordonnance[25].

Plus aucun médecin ne nie désormais les effets d’une pratique physique régulière, tant sur le vieillissement (allongement de nos télomères), que sur l’activité cérébrale et cognitive, les maladies cardiovasculaires, le diabète et des cancers aussi divers que celui du côlon ou du sein.

Le docteur Thierry Bouillet, cancérologue et cofondateur de l’association « CAMI Sport et Cancers » déclarait en 2012, au cours d’une réunion professionnelle (ADNO) que j’avais organisée à Paris, que l’activité physique dans le suivi des femmes ayant eu un cancer du sein était au moins aussi efficace et nécessaire que certaines hormonothérapies.

Retrouver sa verticalité et mettre un pied devant l’autre a une influence sur notre psychisme : « Marcher améliore l’estime de soi et est très efficace sur les ruminations, résume le docteur Éric Griez. C’est également très efficace pour lutter contre la dépression. Répété quotidiennement pendant plusieurs mois, l’exercice physique a un effet comparable à celui des antidépresseurs et de la psychothérapie.[26] » Même les personnes souffrant d’attaques de panique voient leurs crises diminuer lorsqu’elles marchent régulièrement. « C’est un traitement à prendre à vie, un style de vie à adopter, insiste le médecin psychiatre. Ce n’est pas toujours facile : tout notre environnement nous invite à la paresse physique. Lorsque l’on n’aime pas le sport, il faut ruser avec soi-même, garer sa voiture un peu plus loin, marcher en téléphonant… »

Fuyez les escalators, les ascenseurs et… pas besoin d’être un grand sportif : marcher à bon pas, de 30 à 60 minutes par jour, avec un bon essoufflement, est déjà efficace ! 

Changer le monde ?

J’avais titré ainsi une de mes premières lettres de l’été 2019 : « Nous pensions refaire le monde »[27]. Les trois lettres « Repenser notre rapport au monde » en ont découlé et j’espère, chère lectrice, cher lecteur, qu’à leur lecture vous avez compris que, grâce aux découvertes récentes de l’épigénétique, il est évident que c’est nous-mêmes, et finalement nous seuls, qui refaisons notre monde, notre monde de santé et notre évolution en fonction des modes de vie que nous choisissons, en refusant de se faire « happer par la maladie » ou de seulement se résigner à une seule prise en charge extérieure qui ne changera pas vraiment notre vie.

Docteur Dominique Rueff


[1] Choisissez votre destin génétique, Gilbert Deray, Éditions Fayard, 2018

[2] Citation extraite de la Bible, Livre des Proverbes 17,22, avec laquelle début le chapitre du livre consacré au rire

[3] C.M. Haase et al, Short allèles, bigger smiles , The effect of 5-HTTLPR on positive emotional expressions. Emotion 2015 ; 15 :438-448

[4] T. hayashi et al., « Laughter regulates gene expression in patients with type 2 diabetes », Psychotherapie and Psychosomatics, 2006 ; 25 : 62-65

[5] Comment je me suis soigné par le rire, Norman Cousins, Éditions Payot, 2003

[6] https://www.lettre-docteur-rueff.fr/voulez-rester-a-spa/

[7] https://www.santenatureinnovation.com/le-rire-peut-guerir/

[8] « Docteur Patch », réalisé par Tom Shadyac, 1998

[9] https://www.ina.fr/contenus-editoriaux/articles-editoriaux/se-soigner-par-le-rire/

[10] https://www.youtube.com/user/justepourriretv et bien d’autres liens

[11] M.S. Trivedi et al, short-term sleep deprivation leads to decreased systemic redox metabolites and altered epignetic statuts. PLoS One 2017 ; 12 : e0181978

[12] https://www.lettre-docteur-rueff.fr/comment-stimuler-notre-telomerase/ et https://www.lettre-docteur-rueff.fr/avons-nous-lage-de-notre-telomerase/

[13] https://www.lettre-docteur-rueff.fr/stress-oxydant/

[14] https://www.ameli.fr/alpes-maritimes/assure/sante/themes/maladie-crohn/symptomes-diagnostic-evolution

[15] https://www.allodocteurs.fr/maladies/cerveau-et-neurologie/la-maladie-a-corps-de-lewy-une-demence-meconnue_24009.html

[16] https://www.ameli.fr/alpes-maritimes/assure/sante/themes/apnee-sommeil/traitement-apnee-sommeil

[17] https://www.lettre-docteur-rueff.fr/traitez-autrement-depression-1/; https://www.lettre-docteur-rueff.fr/depression-approches-douces-fonctionnent/; https://www.lettre-docteur-rueff.fr/depression-substances/

[18] http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/bien_dormir/articles/9406-troubles-sommeil-francais.htm

[19] Gilbert Deray cite à ce propos des expériences étonnantes sur les singes (page 260)

[20] Plaidoyer pour l’altruisme, Matthieu Ricard, Éditions NIL, 2013

[21] Daniel Goleman, cité par Gilbert Deray (page 259), journaliste au New York Times, qui publia en 1955 un célèbre ouvrage, L’Intelligence émotionnelle (Éditions J’ai lu, 2014)

[22] Hormone de l’amour et du lien social : https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-ocytocine-hormone-amour-mais-aussi-lien-social-spiritualite-maj-48934/

[23] Pages 265-266 Op. cité

[24] Page 277 Op. cité

[25] https://www.mgen.fr/sport-sur-ordonnance/

[26] https://www.eyrolles.com/Accueil/Auteur/eric-griez-150350/

[27] https://www.lettre-docteur-rueff.fr/nous-pensions-refaire-le-monde/



N'hésitez pas à commenter la lettre de ce jour ci-dessous. Veuillez cependant noter que, en raison du très grand nombre de commentaires, le Dr Rueff ne pourra pas vous répondre individuellement.


6 réponses à “Repenser notre rapport au monde – Troisième partie”

  1. Jocelyne Bece dit :

    J’adore lire vos lettres toujours rès instructives. Mais pour cette dernière lettre je cherche vainement à lire les références lises entre crochets… je n’ai pas trouvé même en allant sur votre site…
    Merci pour tous vos envois et continuez encore longtemps à nous apporter le réconfort de votre savoir et de votre expérience.

  2. jean-louis Gheysens dit :

    Comme toujours votre lettre, contrairement aux épîtres de Sante et Nutrition, ne cherche pas a vendre, mais a le don de nous offrir, pour l’esprit et le corps, une bienveillance de bon sens, qui rien que par sa lecture, prouve sa bienfaisance. Je vous en remercie

  3. PONSOLLE J.P. dit :

    Libre, clairvoyant, plein de bon sens, passionné, visionnaire dans son « sacerdoce » et humaniste pour couronner le TOUT !!!! Merci docteur RUEFF et longue vie car on aura de plus en plus besoin de votre « magister » basé sur l’expérience et la recherche intelligente…..

  4. Françoise Perreaux dit :

    Je mets en pratique les conseils de la troisième lettre du Docteur, et je dis :
    « Docteur Rueff, je vous aime ! ».

  5. Ariane Felix dit :

    merci cher Docteur vous êtes si rares a être bienveillants oui et ouverts aussi merci de tout coeur.on ne peut que vous aimer

  6. James dit :

    Merci pour toutes vos lettres et en particulier cette trilogie très instructive.

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