La fibromyalgie : une maladie épouvantable et négligée – Première partie

La fibromyalgie :

une maladie épouvantable et négligée

Première partie

Cher ami, chère amie,

En ces premiers jours d’automne, Bernard est à bout. Il ne peut plus maintenant se séparer de son fauteuil roulant. Se lever, se déplacer, devient un calvaire.

Tout a commencé, il y a environ trois ans, par des douleurs au début supportables, entre les omoplates et au niveau lombaire. Mais ces douleurs n’ont cessé d’augmenter, et les antidouleurs et anti-inflammatoires que son médecin généraliste lui a prescrit ont eu de moins en moins d’effets. Peu à peu, il a perdu le sommeil, puis la mémoire, à tel point qu’il s’est demandé s’il n’était pas en train d’avoir une maladie d’Alzheimer.

Sur les conseils de son médecin, il a finalement consulté un centre antidouleur. Ce n’est qu’après plusieurs mois que le diagnostic a été porté : fibromyalgie. Bernard a bien vu que les médecins avaient du mal à l’écouter et à le prendre au sérieux, en lui disant que ses douleurs étaient dues à sa dépression et son anxiété.

Il n’avait aucune raison d’être dans ce cas de figure, tout allait bien dans sa vie, tant sur le plan personnel que professionnel. Il avait seulement subi un grand choc psychique il y a quelques années. Lorsque le diagnostic a enfin été porté, les médecins lui ont conseillé des antidépresseurs qui, s’ils amélioraient son sommeil, ont eu de moins en moins d’action sur ses douleurs. Bernard en est arrivé à prendre plus de 20 médicaments par jour, sans grand résultat. Il est aujourd’hui déprimé et on comprend qu’il a de bonnes raisons pour cela. S’il n’était pas aidé par sa femme qui passe les deux tiers de sa journée à s’occuper de lui, il dit qu’il se serait suicidé. Sa situation est d’autant plus dramatique que son invalidité, qui est évaluée à moins de 80 %, ne lui donne pas droit à toutes les aides dont il pourrait profiter pour améliorer sa mobilité.

La fibromyalgie, pour lui, est un véritable cauchemar. Heureusement que toutes les personnes souffrant de cette maladie n’en arrivent pas là, mais elles traversent cependant des épisodes semblables.

La fibromyalgie, qu’est-ce que c’est ?

Selon la définition officielle de l’INSERM : « La fibromyalgie est une forme de douleur chronique diffuse, associée à une hypersensibilité douloureuse et à différents troubles, notamment du sommeil et de l’humeur. » Il existe, en parallèle, un sentiment profond de mal-être sans qu’aucune cause ne puisse être identifiée. De ce fait, cette maladie a longtemps été considérée comme « psychiatrique » et les plaintes des patients n’étaient pas du tout entendues ni comprises.

Quels sont vraiment les signes et symptômes de la fibromyalgie ?

La fibromyalgie tire son nom des mots fibro (tendons), myo (muscle) et algie (douleur). Elle touche au moins 2 à 4 % de la population, avec une plus grande fréquence chez les femmes de 30 à 50 ans. Elle guérit spontanément vers l’âge de 60 ans et reste exceptionnelle après 70 ans.

Les douleurs sont diffuses et touchent les os et les muscles, avec des points douloureux disséminés dans tout le corps, qui s’accompagnent de décharges électriques et de crampes musculaires.

Il y a une vingtaine d’années, on considérait que pour faire le diagnostic de cette maladie, il fallait que le médecin trouve sur le corps 18 points spécifiques sensibles à une forte pression du pouce.


Cette définition un peu étroite et limitative est aujourd’hui remplacée par la définition de zones douloureuses au niveau des insertions musculo-tendineuses de chaque côté de la colonne vertébrale, entre les épaules, aux hanches, aux coudes… Ces douleurs apparaissent plus volontiers le matin, avec des sensations de « dérouillage », de « muscles noués », qui sont aggravées par le stress, le mouvement, le froid, et calmées par le repos.

Ces douleurs s’accompagnent de fatigue, avec une difficulté de plus en plus grande à mobiliser le corps. Elles sont le plus souvent symétriques, et surtout ne limitent pas les mouvements. Il peut exister une raideur des articulations ou des douleurs abdominales.

Les troubles du sommeil sont très fréquents : le sommeil est souvent agité, peu réparateur et il est de plus en plus difficile de se réveiller.

La fréquence des douleurs et la difficulté à en trouver une cause précise amènent des conséquences psychologiques : irritabilité, troubles de l’attention, anxiété, humeur dépressive.

Les difficultés dans la vie quotidienne et professionnelle, du fait du handicap douloureux et de la fatigue accrue, conduisent à un état de détresse émotionnelle, voire de dépression sévère, qui est d’autant plus importante qu’il existe un sentiment d’injustice face à l’incompréhension du milieu médical.

Comment diagnostiquer la fibromyalgie ?

Il n’existe aucun signe biologique ou radiologique permettant de déceler cette maladie, et si des examens sont prescrits, ils le sont plutôt pour éliminer une autre cause, par exemple :

  • une cause rhumatologique de type polyarthrite
  • une cause traumatique

Il existe en revanche un autotest que je vous recommande : c’est le test FIRST, pour « Fibromyalgie Rapid Screening Tool ». Il suffit de répondre par oui ou non aux 5 questions ci-dessous. Si vous avez 5 réponses positives, vous avez certainement une fibromyalgie. Ce test, mal connu des médecins généralistes, a une fiabilité de 86 %.

  1. Mes douleurs sont localisées partout dans mon corps          O/N
  2. Mes douleurs s’accompagnent d’une fatigue générale permanente 0/N
  3. Mes douleurs sont comme des brûlures, des décharges électriques ou des crampes.             0/N
  4. Mes douleurs s’accompagnent d’autres sensations anormales, comme des fourmillements, des picotements, ou des sensations d’engourdissement dans tout mon corps.          O /N
  5. Mes douleurs ont un retentissement important dans ma vie, en particulier sur mon sommeil, ma capacité à me concentrer, avec une impression de fonctionner au ralenti. O/N

Quelles sont les propositions thérapeutiques habituelles ?

Les origines psychiatriques que le milieu médical a tendance à attribuer à cette maladie ont conduit, que je l’ai évoqué, à la prescription d’antidépresseurs. Mais leur efficacité s’affaiblit au fur et à mesure que la maladie évolue. On a vu, dans le cas de Bernard, que cela pouvait conduire à une véritable surmédicalisation dont l’innocuité ne fait aucun doute.

Des psychothérapies cognitivo-comportementales sont souvent prescrites. Si elles ne sont pas d’une grande efficacité sur les douleurs, elles sont tout de même importantes, car elles permettent au patient de comprendre :

  • qu’il souffre, qu’il est véritablement malade, bien que tous ses examens soient normaux ;
  • que le médecin croit en sa souffrance et de ce fait, peut faire face et lutter contre le sentiment d’être abandonné.
  • que cette maladie est connue et n’est pas grave en elle-même ;
  • qu’il ne deviendra jamais totalement invalide ;
  • que le traitement sera long ;
  • que ses douleurs sont dépendantes du stress qu’il doit apprendre à mieux gérer ;
  • que les douleurs disparaissent spontanément vers la soixantaine.

J’insiste sur l’importance de la gestion du stress, par différents moyens comme la pratique de la cohérence cardiaque. Je vous conseille vivement de lire la lettre[1] que j’ai écrite à ce sujet.

Je recommande également de tester l’EMDR[2] : l’« Eye-Movement Desensitization and Reprocessing, ou Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires. Cette thérapie consiste à soigner les traumatismes et les événements douloureux par des mouvements oculaires de droite à gauche. Elle est recommandée dans toutes les situations dites « post-traumatiques » pour désensibiliser et déprogrammer le cerveau de ce stress initial.

Le mouvement comme thérapie fondamentale

Aussi bizarre que cela puisse paraître, la vraie thérapie de la fibromyalgie est le mouvement, car :

  • l’inactivité est un facteur d’aggravation ;
  • le repos entraîne un affaiblissement musculaire et cardiovasculaire.

Il faut donc arriver à déconditionner la personne de sa phobie du mouvement et lui redonner confiance en elle.

L’hydrothérapie peut être une pratique intéressante : par ses effets massant et détendant sur les muscles, elle peut amener une amélioration notable des douleurs et améliorer la qualité de vie du patient. L’eau chaude de la balnéothérapie, en plus de son effet antalgique, améliore également la tolérance à l’exercice physique.

Des bains chauds peuvent également être faits régulièrement chez soi, en ajoutant à l’eau chaude une bonne poignée de sels d’Epsom, c’est-à-dire de sulfate de magnésium qui a à la fois un effet détoxifiant et relaxant[3].

Il est aussi important de pratiquer des exercices d’endurance « douce », comme le vélo, la marche, la natation, le tai chi, le yoga avec, au début, des périodes courtes et adaptées à sa tolérance, que l’on va allonger très progressivement. Les exercices en milieu aquatique et les étirements musculaires sont particulièrement recommandés[4].

Si la personne a des troubles du sommeil, il est important de les prendre en compte, car ils sont à la fois la cause et la conséquence de l’altération de la qualité de vie, de la recrudescence des douleurs et de l’anxiété. L’usage de la mélatonine[5] est à la fois bénéfique pour le sommeil et la douleur fibromyalgique, j’y reviendrai.

La capsaïcine, issue du poivre de Cayenne, a été reconnue efficace pour soulager les douleurs et les tensions musculaires, bien que, selon les dernières recommandation de la Société de Rhumatologie, le niveau de preuve ne soit pas encore suffisant. Son action réduirait les taux de « substance P », un des médiateurs de la douleur. On l’applique via des crèmes ou des lotions à 0,025 % de concentration, 4 fois par jour. Il existe également des patchs. Vous trouverez tout cela en pharmacie[6].

Dans ma prochaine lettre, je vais vous parler de tous les traitements complémentaires que l’on peut proposer pour soigner cette maladie. Ils sont d’autant plus importants que les médicaments allopathiques, les anti-douleurs et antidépresseurs, ne sont jamais recommandés en première intention. En effet, leur faible efficacité est doublée d’un risque toxique à fortes doses prolongées et d’un risque d’accoutumance pour les associations contenant du tramadol[7].

À très bientôt,

Docteur Dominique Rueff




N'hésitez pas à commenter la lettre de ce jour ci-dessous. Veuillez cependant noter que, en raison du très grand nombre de commentaires, le Dr Rueff ne pourra pas vous répondre individuellement.


5 réponses à “La fibromyalgie : une maladie épouvantable et négligée – Première partie”

  1. Eundevell dit :

    Je suis fibromyalgieque et le cbd en sublingual et en massages sur les zones douloureuses fait beaucoup de bien j’ai également un appareil de médecine vibratoire qui me soulagé énormément

  2. Sophie dit :

    Bonjour,

    Concernant votre article sur la fibromyalgie, lasse d’être complètement abrutie par des médicaments totalement inefficaces, j’ai tout arrêté et c’est la cryothérapie corps entier qui m’a sauvé.
    Je l’ai découverte lors d’une thalasso dediee à fibro.
    J’ai pu grâce à elle comme vous l’indiquez très justement reprendre le sport et améliorez mes douleurs à 80%.
    Si cela peut aider des personnes….
    Cordialement
    Sophie

  3. Alice Haas dit :

    Cher Docteur, merci pour votre lettre. l’étiquette « Fibromyalgie » m’a seulement été collée en 1998 lors d’une consultation parce que mes douleurs devenaient de plus en plus fortes et je bougeait de plus en plus mal avant, j’appelait ma maladie « rhumatisme des tendons et de muscles). Le traitement: antidouleurs, antidépresseur. Comme je n’ai jamais supporté « la chimie », je ne les ai pas pris plus que quelques jours. Peu à peu j’ai commencé à comprendre toute la complexité de cette maladie, surtout, que j’ai du l’avoir eu probablement dès ma naissance ou même avant. Je me suis rendu compte que mon cerveau ne marchait pas trop comme il faut, que surtout, je n’avais (je n’ai) pas beaucoup de mémoire, que je n’étais pas comme les autres. Puis dès les 15 ans, les douleurs devenaient de plus en plus fortes. J’ai essayé tout ce qui me semblait pouvoir aider, sauf la chimie, à commencer avec une séance chez un chiropraticien, puis, plus tard en étant adulte, à commencer par 4 ans de Yoga, que j’ai du arrêter car peu à peu je n’était plus capable de faire aucun excercice. Puis de fil en aiguille, des massages de tout genre, même une hypnose thérapie (pas possible d’entrer en hypnose) une cure thermale, oesteopathie, physiotérapie, et puis, après une opération du genou en 2014, ici en France, et l’étude de lettres pour la santé, je prend des Chondro Flex pour les articulations, avec des huiles essentiels de Galultière, Piment, laurier noble etc contre la douleur, plus compléments alimentaires, surtout aussi fortifier l’immunité. J’ai appris à vivre avec les douleurs, et par la pensée de pouvoir les oublier par moments (lire, la compagnie d’amis, des travaux manuels etc) .
    j’ai compris que la Fibromyalgie doit être la maladie du stress continu, la peur, le manque de tendresse et d’amour pendant l’enfance, ne jamais pourvoir se détendre, un mariage raté, Devoir apprendre et pratiquer LE métier que je détestais (commerce, bureau, gérance d’une banque).
    Malgré des douleurs atroces et une fatigue terrible permanente, je n’ai jamais manqué à mes obligations envers mes 2 enfants, ni envers mon employeur. Depuis la fin 2000 je suis retraitée et là je suis venue en France avec mon compagnon. C’est la première fois de ma vie que je suis moins stressée et après avoir dormi, dormi, je suis moins fatiguée et j’ai un peu plus d’énergie. Par contre, je n’ai jamais entendu que la Fibromyalgie se terminerait à 60 ans, elle ne l’a en tout cas pas fait pour moi.
    C’est une trop longue histoire, je voudrais seulement vous dire mon intime conviction que toute maladie, tout accident ne peut être que physique, tout est lié.

  4. lajubertie dit :

    Merci infiniment pour votre article sur la fibromyalgie, de toutes mes lectures à ce sujet je dois dire que c’est la votre qui m’a le plus touchée… C’est clair, concis et rien n’est omis, sans compter les encouragements à ne pas abandonner le combat, car oui combat il y a, avec les médecins et la MDPH qui ne veut rien entendre, et bien entendu son entourage…en ce qui me concerne 25 ans d’errance médicale, avant que le diagnostique soit enfin prononcé… que de stress et de sentiments d’abandon…
    Bien cordialement.

  5. Fiévet dit :

    Merci pour votre article.je vis avec la Fibro depuis2014 et j ‘ai 59ans.je suis tout à fait d’accord avec ce que vous écrivez…Par contre c est la première fois que j’apprends la rémission spontanée vers 60 ans…pourquoi à cet âge ? Et merci pour cet espoir prochain de guérison!

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