Mon expérience personnelle du jeûne
À l’été 2015 et en montagne (vers 1700 mètres d’altitude) j’ai jeûné pendant presque 3 semaines. J’avais proposé à une amie de m’accompagner dans cette expérience. C’est un premier aspect important : les spécialistes du jeûne conseillent de jeûner à plusieurs afin de se soutenir les uns les autres, d’échanger et de vaincre ses peurs.
Il y a longtemps que j’avais expérimenté le jeûne mais c’était la première fois que je me lançais dans une « aventure » aussi longue.
Je faisais des jeûnes ou des monodiètes comme des « cures de raisin » depuis des années. Je me souviens avoir fait de telles cures pendant plusieurs semaines dès l’âge de 30 ans.
Un jeûne complet est une toute autre expérience…
Pourquoi ai-je jeûné ?
Je venais de lire deux articles qui m’avaient motivé.
Mais surtout j’étais en état de grande fatigue.
Le premier article avait été publié en mars 2012 dans le journal « Le Monde » et faisait le point sur le jeûne scientifique en cancérologie. Je vous en livre un extrait : « Selon une étude publiée dans la revue américaine Aging en 2010, dix patients atteints d’un cancer qui ont essayé de suivre des cycles de jeûne ont dit ressentir moins d’effets secondaires provoqués par la chimiothérapie ».
Le second article de Planète santé [1] était une mise à jour de Cécile Aubert, du site « Slate.fr » et était intitulé : « Le jeûne – Comment le corps réagit-il à la privation de nourriture ? ».
Quelques préalables
En tant que médecin je ne veux pas promouvoir le jeûne pour remplacer telle ou telle thérapie éprouvée.
Cependant certains états pathologiques sont mal nommés. On pourrait les qualifier de « dérèglements métaboliques ». Il en serait ainsi du diabète et des maladies inflammatoires telles les polyarthrites.
Je m’explique. La privation de nourriture agit en modifiant le microbiote et la perméabilité intestinale. Or celle-ci est à l’origine d’une hyper-sensibilité de l’organisme à des agents infectieux. Le passage transmembranaire (par la muqueuse intestinale) de ces derniers est un des facteurs déclenchants des maladies auto-immunes.
Si vous êtes malade je vous invite à essayer de trouver un médecin ou un centre compétent afin de confirmer que vous êtes bien en état de jeûner. La privation de nourriture va en effet diminuer vos besoins en médicaments comme les antidiabétiques, les anti hypertenseurs et bien d’autres.
Je tiens à insister sur le problème du poids : le jeûne complet ou intermittent fait perdre du gras mais il ne doit jamais être considéré comme une thérapie de l’obésité. Si vous avez du poids à perdre, le jeûne peut servir de « starter » à la vraie transformation : une modification en profondeur de l’alimentation, telle par exemple que je la propose dans la lettre « l’alimentation que je vous conseille » [2].
Voici donc mon expérience
Lorsque je suis arrivé à la montagne, ce début août 2015, j’étais très fatigué comme je vous l’ai dit. Habitué à la randonnée j’étais incapable de faire plus de quelques kilomètres.
J’ai décidé de jeûner.
- J’ai commencé par deux jours de « diète » où je n’ai consommé que des fruits peu sucrés, (pommes) et des soupes de légumes en buvant un maximum d’eau ;
- Au soir du premier jour j’ai fait une purge au chlorure de magnésium. J’aime bien ce type de purge. Elle permet de libérer le tube digestif et donne un peu d’énergie : on dilue un sachet de 20 grammes de magnésium dans un litre d’eau que l’on boit dans la journée. Les selles deviennent liquides et malodorantes. N’ayez pas peur de cela. La solution est meilleure si on ajoute le jus de deux citrons. L’effet « chlorure » peut faire temporairement monter la tension artérielle mais cela reste très fugace. Si vous avez l’impression de ne pas avoir un intestin bien vidé, vous pouvez compléter par un lavement d’infusion de mauve et de camomille comme le préconisait le Dr Kousmine ;
- Au troisième jour j’ai commencé le jeûne que j’ai continué encore une vingtaine de jours. Notez bien que je ne m’étais pas embarqué pour un jeûne aussi long ! Mais les effets bénéfiques m’ont poussé à continuer bien au-delà de la semaine que j’avais programmée ;
- Sans chercher à me conformer à la méthode Buchinger [3] j’ai, de moi-même pris un peu de jus de pommes « bio » (une tasse coupée dans un grand verre d’eau), le matin, dans l’après-midi une tisane de thym ou de romarin avec une cuillère à café d’un bon et vrai miel et le soir un bouillon de légumes (juste le bouillon) avec un peu de sel ;
- Avec ce bouillon je prenais une gélule poly nutritionnelle type « Daily 3 », mais vous pouvez en choisir d’autres à condition qu’elle ne contiennent ni fer ni cuivre :
- Tous les matins, je faisais 30 minutes d’aquagym et 1 heure de longueurs de piscine à rythme soutenu ;
- Je me reposais jusqu’au début de l’après midi ;
- Les durées de randonnées se sont allongées au fil des jours. J’ai d’abord laissé derrière moi cette fatigue qui m’empêchait, avant le jeûne, de marcher plus d’une heure. Les temps se sont progressivement allongés et j’ai le souvenir d’avoir fait, le dernier jour, une randonnée de plusieurs heures avec un dénivelé de presque 1000 mètres, quasiment sans fatigue ni essoufflements ;
- J’ai rompu le jeûne (après 20 jours) comme on le fait traditionnellement en ajoutant quelques légumes au bouillon, le premier jour, puis en prenant fruits et légumes le second jour et enfin en réintroduisant progressivement les autres aliments afin de retrouver l’alimentation « anti-inflammatoire » et peu hyperglycémiante que je conseille [4].
Je dois préciser qu’en bon médecin que je suis, j’ai surveillé régulièrement mon rythme cardiaque et ma tension artérielle. Et j’ai réalisé un petit bilan sanguin avant et après le jeûne.
Cette « autosurveillance » m’a permis d’arrêter, en deux ou trois jours, les médicaments antihypertenseurs que je prenais avant le jeûne et que j’ai dû reprendre en fonction de ma tension artérielle, mais à dose plus faible après la fin du jeûne.
Les effets observés
Personne ne vivra la même expérience d’un jeûne. D’où l’intérêt de faire un jeûne à plusieurs afin de confronter ses effets, qui sont habituellement :
- Disparition de la faim et langue qui se charge dès le troisième jour ;
- Léger « mal de tête », passé assez vite le troisième jour ;
- Désorganisation ressentie de la journée du fait du temps gagné sur la préparation des repas. Croyez-moi : cela fait bizarre de voir son réfrigérateur vide ;
- Augmentation de la sensibilité affective mais aussi ce que j’appellerais un élargissement psychologique. Certains l’appelle le « nirvana du jeûneur ». Pour cette raison ne jeûnez pas à un moment où vous auriez trop de soucis. Ou avec des personnes avec qui vous ne vous sentiriez pas en sympathie.
- Disparition progressive de la fatigue dès le cinquième jour ;
- Sorte d’effet dopant, tel celui que l’on observe avec certains régimes cétogènes ; [5]
- Mauvaise haleine mais surtout haleine acétonémique que l’on connaît chez les enfants qui font des « crises d’acétone » (ou en cas de régime cétogène).
- Bilan biologique très positif : celui que j’ai fait après le jeûne a révélé la disparition de toute anomalie inflammatoire et surtout une très nette amélioration des paramètres de ma fonction rénale (urée, créatinine).
Avec le recul
Je n’ai pas encore eu l’occasion de renouveler cette magnifique expérience. Aujourd’hui, et pour des raisons de facilité, je pratique plus souvent des monodiètes (raisins) ou des jeûnes intermittents :
- Soit un jeûne de 16 heures une ou deux fois par semaine : je supprime le repas du soir et le petit déjeuner qui suit ;
- Soit un jeûne de 24 à 36 heures par semaine.
- J’essaye de faire un exercice : en pratique 50 minutes de vélo d’appartement le deuxième jour à 70% de ma fréquence cardiaque maxima [6] avec des poussées plus intensives toutes les 4 minutes.
Je ne prétends pas que ma méthode soit la meilleure d’ailleurs ! Mais elle me convient.
Le plus important avec le jeûne… c’est de vaincre ses peurs. Car la privation de nourriture ne tue pas avant….au moins quarante jours.
Il y a simplement des conditions à respecter absolument :
- Avoir un bien-être physique et psychologique avant de jeûner,
- Considérer le jeûne ni comme un régime ou comme un médicament ;
- Vider son réfrigérateur avant de commencer (!) ;
- Ne pas avoir peur de prendre un peu d’aspirine le 3eme ou 4eme jour si on a mal à la tête ;
- Ne pas jeûner… si on a vraiment peur de jeûner ou si on est réellement dépressif (bien que le jeûne soit pacifiant et euphorisant) ;
- Faire précéder le jeûne pendant un ou deux jours par une monodiète végétarienne ;
- Ne pas faire de purge et/ou de lavement avant le premier jour ;
- Eviter de jeûner seul(e) ;
- S’hydrater un maximum, principalement avec de l’eau ;
- Surveillance médicale si vous prenez des médicaments ;
- Ne pas dépasser une semaine de jeûne sans surveillance médicale ;
- Faire un exercice régulier pendant le jeûne en l’adaptant à sa condition personnelle ;
- Ne pas rompre le jeûne trop brutalement ;
- Revenir, après le jeûne, à une diète équilibrée peu glycémiante et antiinflammatoire ; respecter ses intolérances alimentaires.
En conclusion
Malgré de nombreuses publications et émissions télévisuelles la pratique du jeûne déclenche des polémiques qui me semblent disproportionnées.
N’hésitez pas à vous procurer les ouvrages traitant de la question et surtout à interroger les personnes autour de vous qui ont une réelle expérience du jeûne. Plutôt que ces « autorités » autoproclamées de la santé… qui n’ont en général jamais jeûné.
Dans la monde d’aujourd’hui, la suralimentation, les déficiences nutritionnelles et « la malbouffe » font certainement plus de dégâts que la privation de nourriture.
Et chronologiquement nous ne sommes pas très loin des temps où les privations de nourriture nous furent imposées par l’histoire et les climats.
Alors le jeûne me semble à l’évidence une bonne approche de santé.
Docteur Dominique Rueff
Bonjour,
J’ai une question pour Dr.Rueff, sur quel email puis je l’envoyé?
Merci