Voyage au pays de « l’underground intestinal »
Chère amie, cher ami,
Afin de prolonger mes dernières lettres sur les probiotiques, je voudrais vous parler de deux lectures qui m’ont personnellement passionné.
Il s’agit du livre de Giulia Enders : Le charme discret de l’intestin. Paru en 2017 aux éditions Actes Sud, c’est devenu un best-seller traduit en dix-huit langues et vendu à des millions d’exemplaires.
Née en 1990, Giulia Enders est devenue gastroentérologue en 2015. C’est une grave maladie de peau, qu’elle a pu guérir en changeant radicalement d’alimentation, qui a poussé cette jeune femme à explorer plus avant le système digestif, à élargir son champ de recherche, en conciliant science officielle et médecine naturelle.
Elle a été l’une des premières à comprendre l’intime relation entre surpoids, dépression, allergies, diabète, maladies de peau… Elle plaide avec beaucoup d’humour pour un organe qu’on a tendance à négliger, voire à maltraiter, au point qu’il en devienne de plus en plus irritable… Après une visite guidée du système digestif, elle explique le rôle prépondérant de ce « deuxième cerveau » qu’est l’intestin sur notre bien-être, et relate l’aventure qui a permis aux chercheurs de saisir la fonction du microbiote dans le système immunitaire. Avec des arguments scientifiques, qu’il est difficile de contester, elle nous invite à changer de comportement alimentaire, à éviter certains médicaments ainsi qu’à appliquer quelques règles très concrètes afin d’optimiser notre digestion.
Un autre livre paru en 2020 complète de manière concrète ce livre de Julia Enders : il s’agit de 100 recettes pour soigner son intestin (éditions Marabout), qui dévoile les multiples liens de notre intestin avec notre santé et nous propose une nutrition adaptée à nos maux. Leurs autrices, le professeure Francisca Joly Gomez[1] et le docteur Isabelle Gomez Dubest y proposent, dans un dialogue entre la science et le sens pratique, tous les outils pour se nourrir de façon adaptée à nos besoins, avec un programme complet, des recommandations pratiques et 100 recettes faciles pour modifier nos habitudes alimentaires.
J’en viens à ma seconde lecture « coup de cœur ». Ce livre paru en 2019 en est déjà à sa troisième édition : À fleur de pet[2] (éditions Guy Trédaniel), de Dora Moutot[3]. J’ai dévoré ce livre de plus de 300 pages en une nuit !
L’autrice nous fait part de son errance médicale qui a duré plus de 10 ans, entre gaz, constipation et diarrhée, hyperperméabilité intestinale et dysbiose, entre rires et pleurs. Il est écrit de façon très agréable dans un style journalistique et personnel. Il serait complexe de le résumer, je pense que le mieux serait que vous en fassiez l’acquisition. Bien entendu, il reprend toutes les notions que j’ai développées dans mes lettres sur les probiotiques et dans les ouvrages que j’ai cités.
C’est un grand voyage au pays « de l’underground intestinal ». L’originalité de cet ouvrage est de proposer une description d’une maladie spécifique aux hyperballonés : le SIBO. Si vous aviez comme moi quelques doutes sur la réalité de ce syndrome, vous ne sortirez pas indemne de cette lecture. SIBO est l’anagramme de « Small intestinal bacterial overgroth » que l’on peut traduire par « Pullulation bactérienne de l’intestin grêle ». Elle est due au fait que les bactéries du côlon remontent dans l’intestin grêle et provoquent des symptômes digestifs qui peuvent être handicapants au quotidien. Si les gastro-entérologues français ignorent ce syndrome, il n’en est pas de même sur le plan international : si vous tapez « SIBO » sur Pubmed[4], vous trouverez plus de 700 références.
Il est effectivement difficile de faire la différence entre ce qu’on appelle le « syndrome de l’intestin irritable » (SII) ou le « côlon irritable », et le « SIBO ». Les symptômes et les conséquences sont souvent semblables. Le SIBO peut provoquer de véritables déficiences nutritionnelles, comme celles en vitamine B12, aux multiples conséquences, dont probablement le symptôme de fatigue chronique que l’on observe concomitamment avec cette affection. Le SIBO atteint les cellules qui tapissent la paroi de l’intestin grêle. Elles deviennent poreuses, entraînant une hyperperméabilité intestinale à l’origine de bon nombre de maladies chroniques, comme les maladies auto-immunes, mais aussi la dépression, car la sérotonine (« hormone du bonheur ») est produite à 95 % dans l’intestin grêle.
Les causes du SIBO
Plusieurs sont invoquées et le travail du thérapeute est de les rechercher afin de les traiter :
- l’hypochlorhydrie : l’estomac ne produit pas assez d’acides à cause d’une alimentation souvent trop riche en alcool, café et épices ;
- une mauvaise mastication ;
- une insuffisance pancréatique ou hépatique ;
- une hypothyroïdie mal traitée ;
- les suites d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, comme la maladie de Crohn ou la rectocolite ;
- les suites d’une infection intestinale ou de plusieurs infections à répétition, plus ou moins bien traitées par des antibiotiques inadaptés ;
- un mode de vie trop sédentaire ;
- un état de stress chronique ;
- une mauvaise alimentation.
Comment diagnostiquer un SIBO ?
Grâce à une machine[5] qui permet d’identifier les espèces bactériennes en présence par l’analyse des gaz respiratoires grâce à des tests poussés. Il existe en France de nombreux services d’hépato-gastro-entérologie en hôpital qui connaissent cette pathologie et sont équipés de cette machine. Pour faire le test avec cette machine, demandez une prescription à votre médecin traitant et prenez rdv avec un CHU qui pratique le test – ce dernier étant entièrement pris en charge par la Sécurité sociale avec une ordonnance[6].
Il existe aussi une solution plus simple et moins spécifique : le test des métabolites organiques urinaires bactériens (ou MOU)[7], qui analyse la présence excessive de certaines bactéries en dosant les métabolites issus de la dégradation de certains nutriments par ces bactéries.
L’analyse du microbiote telle que je l’ai décrite dans ma précédente lettre[8] est également souhaitable.
On dénombre plusieurs formes de SIBO selon par la fréquence, la modalité et l’odeur des gaz. C’est une véritable « panoplie des pets » que décrit Dora Moutot dans son livre et qui ne manquera pas de vous interpeller. Il faut aussi savoir que le SIBO est très souvent relation avec une infection chronique à champignons, de type Candida albicans, qui peut elle-même vous faire maigrir ou grossir et qu’il faudra traiter spécifiquement.
Enfin, il existe aussi un signe très intéressant permettant de suspecter le SIBO, c’est l’intolérance aux probiotiques : si c’est votre cas, vous avez peut-être un SIBO.
Comment traiter un SIBO ?
Une fois que l’on a identifié et éventuellement corrigé les causes, il existe deux types de traitement : le traitement allopathique classique et les traitements naturels. Si l’on vise un résultat durable, il faudra mettre en place une diététique de type « régime sans FODMAPs » ou s’en approchant.
Le traitement allopathique classique associe le métronidazole (Flagyl) – que l’on préconise également pour traiter les parasites – avec un antibiotique particulier, la rifamycine, pendant une durée de 10 à 15 jours. Il est souvent très efficace, mais certaines personnes le supportent mal, et surtout, il doit absolument être relayé, après 15 jours, par un traitement plus naturel et anodin et par des mesures diététiques.
Les traitements naturels proposent d’associer :
- L’huile d’origan[9] (extrait) : 1 à 3 capsules par jour pendant les repas.
- Le berbéris (extrait)[10] : 1 à 3 capsules par jour – sauf chez les femmes enceintes.
- L’ail[11] (extrait) : 500 à 1 500 mg pendant les repas.
- Le boswellia[12] (extrait) : 1 à 2 gélules par jour plutôt le soir pour calmer les douleurs et l’anxiété.
- Le curcuma[13] : 2 à 3 gélules par jour au moment des repas pour diminuer l’inflammation intestinale.
Je recommande également deux fois par jour 1 goutte d’huile essentielle de mélisse dans une gélule vide, pour calmer douleurs et spasmes.
Le Complexe Carminatif[14] de Vit’all + est aussi très utile, car il associe carvi, anis, fenouil, coriandre et mélisse, des plantes antispasmodiques qui favorisent l’expulsion des gaz et diminuent les fermentations.
Il est possible de prendre aussi du chlorhydrate de bétaïne[15] pour abaisser le pH gastrique, et de l’huile essentielle de thym à linalol : une goutte dans une cuillère à café d’huile d’olive matin et soir, en cas d’infection intestinale.
Comme dit plus haut, l’intolérance aux probiotiques permettrait de suspecter un SIBO, mais il est cependant possible d’envisager une supplémentation avec certains probiotiques qui sécrètent des substances antimicrobiennes et entrent en compétition avec les bactéries pathogènes :
- Lactobacillus rhamnosus[16] (1 gélule par jour),
- Lactobacillus reuteri[17] (1 gélule par jour),
- Lactobacillus plantarum[18] (1 à 2 gélules par jour),
- ou encore Acidophilus bifidus[19](2 gélules par jour).
Il faut également booster la vidange gastrique et améliorer la motilité gastro-intestinale qui est souvent à l’origine du SIBO, en prenant des extraits de gingembre[20] ou du Triphala[21] bio (mélange de 3 plantes ayurvédiques), à raison d’une gélule par jour.
La gemmothérapie peut aussi aider : les bourgeons de romarin (Rosmarinus officinalis) relancent le métabolisme hépatique, sont antispasmodiques et régularisent la motilité intestinale[22]. Les bourgeons de génévrier (Juniperus Communis) relancent le métabolisme hépatique et réduisent l’aérophagie, ceux de figuier (Ficus Carica) calment les douleurs gastriques, tandis que les bourgeons de noyer (Juglans Regia) permettent de lutter efficacement contre les troubles digestifs, agissent sur les ballonnements, l’hyperacidité, les brûlures d’estomac et améliorent la perméabilité intestinale.
Soignez donc bien votre microbiote, vous en avez maintenant les moyens. L’avancement de la recherche et de la science nous offrira certainement l’occasion de revenir sur ces questions.
Surveillez bien votre boîte mail,
Docteur Dominique Rueff
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