Connaissez-vous bien la CoQ10 ?
Chère amie, cher ami,
Dans une précédente lettre [1], je mentionnais l’ubiquinol, forme de la coenzyme Q10, comme l’un des grands piliers de la santé. Il est apparu récemment que cette forme de la coenzyme Q10 était la mieux assimilable par l’organisme.
Je voudrais, ici, revenir sur ce nutriment dont les déficiences d’apport nutritionnel peuvent vous conduire à de grands risques.
Petite histoire de la coenzyme Q10
La coenzyme Q10 a été isolée la première fois en 1957, par le docteur Frederick Crane [2]. C’est dans les cellules du cœur de bœuf, plus précisément dans les mitochondries [3] de ces cellules, que Crane recueillit puis fit identifier cette étrange poudre orangée qui, du fait de sa structure moléculaire, sera nommée « Coenzyme Q10 ».
Sous ce terme « CoQ10 » sont regroupés trois états d’oxydation de la molécule :
- une forme réduite CoQ10H2 appelée ubiquinol-10,
- une forme oxydée CoQ10 appelée ubiquinone-10,
- une forme intermédiaire, le radical ubisemiquinone.
Parmi ces trois formes, seule la forme CoQ10H2 est dotée de propriétés antioxydantes. Elle est soluble dans les graisses. Avec les « vitamines E naturelles » [4] c’est l’antioxydant le plus efficace vis-à-vis des membranes cellulaires et des lipoprotéines [5]. Elle permet à la vitamine E de se régénérer, son action est renforcée par la vitamine C et le glutathion (voir l’article « la petite protéine gardienne de votre santé »).
On retrouve cette molécule partout dans la nature : dans les micro-organismes, les plantes, les animaux, l’espèce humaine. C’est un « transporteur d’électrons » qui, par sa formule chimique, est très proche de la vitamine K.
Votre respiration cellulaire est en jeu
Toutes nos cellules sont dotées de ces petits organismes que l’on nomme « mitochondries » qui forment les organes respiratoires, les poumons, les usines énergétiques permettant la transformation des sucres alimentaires (glucose) en énergie sous forme d’ATP [6]. La présence de coenzyme Q10 est une condition essentielle à la réalisation de la « respiration » cellulaire. Sans coenzyme Q10, aucune vie n’est possible.
On ne devrait pas, dans un organisme en bonne santé et correctement alimenté, trouver de déficiences de CoQ10 dans l’organisme. Cela explique qu’aucun « apport recommandé » n’a été défini à ce jour.
Les apports en CoQ10 d’une alimentation équilibrée sont de 10 milligrammes par jour. Ils proviennent essentiellement des viandes, des poissons, des céréales complètes, des noix ainsi que des huiles de soja et de colza que vous consommez.
Mais en cas de déficience identifiée, pour rééquilibrer les taux, il faudrait consommer plus d’un kilo par jour de ces aliments.
Ceci est irréaliste et une supplémentation est parfois nécessaire. En effet :
- La synthèse de la coenzyme Q10 diminue avec l’âge et un bon taux de cette dernière est considéré comme un facteur protecteur de vieillissement et de toutes les affections qui lui sont liées [7], notamment : la DMLA [8], le diabète, probablement de nombreuses pathologies cardio-vasculaires et rénales, les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.
- Cette synthèse peut être empêchée par la prise de nombreux médicaments comme les statines, certains bêta-bloquants [9], certains antidépresseurs…
- La consommation est augmentée dans de nombreuses situations pathologiques : tabagisme, pollution (métaux lourds, pesticides…) et la pratique intensive de l’exercice. Nous y reviendrons.
Les dosages sanguins de CoQ10, qui existent depuis 1980, peuvent (à vos frais) être demandés à tout laboratoire d’analyse biologique de ville [10]. Ils objectivent parfois des déficiences par rapport aux normes dont les conséquences ne devraient pas être négligées.
Pour ces raisons, avec le dosage de la vitamine D, de l’iode, du fer et du zinc, je propose de faire ce bilan nutritionnel en première intention, même s’il n’est pas remboursable. Les conséquences possibles d’une déficience, même légère, le justifient.
Mais à quoi sert donc la coenzyme Q10 ?
Je cite un petit livre signé de Brigitte Karleskind, CoQ10, La Vitamine du Cœur et de l’Energie [11] :
- « Au niveau cellulaire, l’énergie sert à fabriquer de nouvelles protéines, à apporter des nutriments dans la cellule, à évacuer les déchets cellulaires, à réparer les lésions de l’ADN ou à synthétiser les messagers du cerveau (neurotransmetteurs).
- Au niveau organique, elle est indispensable au cœur pour pomper le sang, aux reins pour filtrer les déchets et recycler les nutriments, au cerveau pour conduire les impulsions électriques nerveuses, aux poumons pour absorber l’oxygène et expulser le dioxyde de carbone…
Nous allons voir quelles sont les principales indications de la coenzyme Q10.
Coenzyme Q10 et cœur
C’est le muscle cardiaque, grand consommateur d’oxygène, qui est le plus riche en coenzyme Q10 et c’est pour lui qu’une bonne concentration est certainement la plus utile.
Dans son ouvrage, Brigitte Karleskind cite plusieurs études impressionnantes :
- Une des premières études a été menée en 1994 par une équipe de chercheurs italiens : 2 664 personnes atteintes d’une insuffisance cardiaque congestive diagnostiquée depuis au moins six mois ont reçu en moyenne 100 mg de CoQ10 par jour. Après trois mois, les patients avaient beaucoup moins de symptômes liés à leur insuffisance cardiaque et répondaient beaucoup mieux aux tests à l’effort [12].
- Dans 10 essais, des améliorations significatives ont été observées sur les paramètres hémodynamiques (pression artérielle, rythme et débit cardiaque…) et/ou cliniques et/ou sur la tolérance à l’exercice dans les groupes qui recevaient la CoQ10 [13].
- La méta-analyse la plus longue couvrait une période de 1966 à 2005 et examinait l’impact de la CoQ10 sur la capacité du cœur à se contracter chez des patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique. Elle incluait 11 études contrôlées randomisées [14] portant sur un total de 300 patients. Dix d’entre elles ont évalué la fraction d’éjection (pourcentage de sang pulsé par le cœur par rapport à la quantité de sang qu’il contient) et deux ont également évalué la puissance cardiaque. Les doses de CoQ10 quotidiennes données aux volontaires allaient de 60 à 120 mg et la durée du supplémentation était de 1 à 6 mois.
Résultat : la prise de CoQ10 était associée à une nette amélioration de la fraction d’éjection. L’effet de la CoQ10 était plus important chez les patients ne prenant pas de traitement contre l’hypertension artérielle et en particulier des « inhibiteurs de l’angiotensine ».
Sur « Pubmed » le site de référence en matière de publications médico-scientifiques, on trouve 138 références concernant la relation entre CoQ10, cœur et maladies vasculaires.
Ce que Brigitte Karleskind écrit, des centaines de médecins comme moi l’ont intégré depuis longtemps : au moindre doute sur votre capacité cardiaque ou en cas d’hypertension artérielle vérifiez votre taux de coenzyme Q10. Et supplémentez-vous en fonction des résultats [15] avant de commencer tout traitement (sauf urgence bien entendu).
Coenzyme Q10 et effort musculaire
Tous les muscles (dont le muscle cardiaque) doivent fournir de l’énergie. La coenzyme Q10 est essentielle à leur fonctionnement et à leur rendement. Elle contribue à améliorer la performance physique ainsi que la récupération après l’effort. En tant qu’antioxydant, elle protège des microlésions fibrillaires qui sont fréquentes en cas d’effort. De nombreuses études, on en trouve plus de 63 sur « Pubmed », attestent de ce phénomène qui concerne tous types de sport : sport d’endurances ou sports d’efforts violents comme l’haltérophilie.
Ainsi une étude japonaise conduite sur des athlètes de kendo a montré que la prise quotidienne de 300 mg de CoQ10 pendant 20 jours produit une diminution significative des microlésions induites par la pratique de l’exercice dans les tissus musculaires [16].
Coenzyme Q10, vieillissement et maladies neuro-dégénératives
Depuis plus de cinquante ans, en plus de son rôle sur les maladies cardio-vasculaires, de nombreuses recherches ont suggéré qu’une déficience en CoQ10 pourrait favoriser de nombreuses maladies dégénératives ou liées au vieillissement notamment les maladies de Parkinson et d’Alzheimer, mais aussi le diabète, la chorée de Huntington, la fibromyalgie, certaines maladies « orphelines » liées au dysfonctionnement mitochondrial et la DMLA [17].
Tout ceci, nous l’avons vu, peut être relié à l’effet antioxydant de cette molécule et à sa capacité d’augmenter le rendement de la respiration cellulaire. J’ai un jeune patient, soigné pour une maladie neurologique orpheline (une « ataxie de Friedreich [18] ») à qui les praticiens hospitaliers ont conseillé de prendre de fortes doses « d’idébénone », une molécule très proche de la coenzyme Q10.
Physiologiquement, la synthèse en CoQ10 commence à diminuer dès la quarantaine.
Ce fait explique le ralentissement des performances physiques au-delà de cet âge. La coenzyme Q10 est donc un complément nutritionnel à proposer en cas de fatigue chronique, de troubles de l’humeur [19], en accompagnement d’autres mesures comme la recherche d’infections chroniques.
Avec les autres antioxydants (lire l’article « antirouille »), comme le zinc, la vitamine C, les vitamines E, la SOD [20], le glutathion, le cuivre et la vitamine D… les supplémentations en CoQ10 peuvent ralentir le vieillissement et les maladies liées à l’âge qui sont de plus en plus importantes dans la génération de « baby-boomers ».
Si nous voulons que cette génération ne soit pas à la charge de ses enfants, il faudrait, dès maintenant, se préoccuper de leurs taux en CoQ10 ainsi que privilégier une alimentation, un exercice physique adapté augmentant les bons effets de la respiration. Les sportifs de haut niveau bénéficient de multiples dosages et suivis… pourquoi pas nous ?
Dans la littérature médicale on trouve beaucoup d’autres indications sur les bienfaits de supplémentation en CoQ10 : asthme, migraines, bronchites, stimulations immunitaires et d’une manière plus générale toutes les situations où les tissus souffriraient d’hypo-oxygénation. Pour soutenir le cœur, on la conseille également chez certaines personnes prenant certains types de chimiothérapie.
Coenzyme Q10 et DMLA
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie oculaire qui provoque une perte progressive de vision chez certaines personnes. Il est capital de dépister le plus tôt possible cette maladie [21] si vous ne voulez pas devenir aveugle à 70 ans.
Les médecins savent bien qu’il n’existe pas actuellement de traitements reconnus vis-à-vis de cette maladie que l’on tente, toutefois, de ralentir en portant des lunettes particulières.
Plusieurs études nutritionnelles (pour l’instant sur les souris) publiées pendant les années 2000 permettent de constater que des apports supra nutritionnels de certains compléments contribuaient au ralentissement de cette maladie. Parmi eux, on trouve la vitamine C, le bêta carotène, le zinc, la lutéine, la zéaxanthine (épinards, choux, brocolis…), les huiles de lin, de noix, de colza, la vitamine D, le thé vert et les Oméga-3 ayant, de plus, des effets anti-inflammatoires et anti-angiogéniques [22].
Des chercheurs hongrois [23] ont montré qu’une association d’Oméga-3, de coenzyme Q10 et Acétyl-L-carnitine donnait de très bons résultats sur la DMLA légère (diminution des dépôts amyloïdes, meilleure acuité visuelle…).
Coenzyme Q10 et gencives
Il existe aussi plusieurs études qui permettent de conseiller absolument à tous ceux qui ont des problèmes de gencives et de parodontopathie de se supplémenter en coenzyme Q10.
Bien entendu, l’hygiène dentaire et le traitement de la flore buccale que nous avons largement développés dans une précédente lettre (lire l’article « ces parasites menacent notre bouche… et notre vie ! ») ne doivent pas être négligés non plus.
Ubiquinone ou Ubiquinol ?
Comme je vous le disais au début de cette lettre, il existe une forme réduite CoQ10H2 appelée ubiquinol-10 (substance noble et plus chère) et une forme oxydée CoQ10 appelée ubiquinone-10.
Chacun a ses partisans.
Les personnes jeunes et en relativement bonne santé peuvent se satisfaire d’ubiquinone.
Il n’empêche que, au plan cellulaire et mitochondrial, le taux d’absorption de l’ubiquinol soit parfois considéré comme dix fois supérieur à celui de l’ubiquinone. Tous deux sont lipophiles et mieux absorbés en présence de graisses. On conseille donc la prise au milieu d’un repas riche en graisses, qui augmente son absorption.
Si je devais proposer une association, ce serait bien ubiquinol aux environs de 100 milligrammes + Oméga-3, une capsule de 1000 milligrammes deux fois par jour. C’est également la dose que je propose avant résultat d’un dosage sanguin.
Certaines revues de littérature indiquent des doses beaucoup plus importantes (de plus de 1000 milligrammes par jour) pour des maladies comme celle d’Alzheimer. En pratique, elles sont difficiles et surtout chères à réaliser mais si le résultat clinique est au rendez-vous j’y suis favorable. D’autant que l’on ne relève aucune toxicité.
En première intention privilégiez une alimentation anti-inflammatoire, naturellement riche en nutriments et acides gras essentiels (oméga-3 [24]). Mais réalisez aussi quelques dosages « basiques mais essentiels » : vitamine D, zinc, iode… et bien-sûr coenzyme Q10.
Dans un second temps (qui peut demander quelques mois) il faut adapter la nutrition et/ou la supplémentation aux résultats. Quelques soient les besoins ou les symptômes de chacune et chacun, je constate qu’en pratiquant ainsi on améliore une grande majorité de troubles de santé, qu’ils soient physiques ou psychiques !
Docteur Dominique Rueff
Article très intéressant. Mais sous quelle marque de confiance peut on trouver l’ubiquinol. Merci
Bonjour, en lisant la phrase « »…ubiquinol aux environs de 100 milligrammes + Oméga-3, une capsule de 1000 milligrammes deux fois par jour » » n’y a-t-il pas une erreur et lire 1 capsule de 100mg 2x/j.
Bien à vous
Sandrine
Je suis sous eliquis. Tous les produits que vous citez me sont interdits Or avant ma thrombose j’avais acheté du coenzyme Q10. Je n’ai plus droit à ces produits ce qui me désole.
Bonjour,
Pouvez-vous me dire si la co enzyme Q10 est compatible avec la prise d’anticoagulants. J’en ai pris pendant plusieurs mois et mon taux INR a dangereusement baissé. Je ne sais pas si c’était lié.
Merci de votre réponse
Bonjour Docteur ! Je pense que Heinrich Reinhard , prix Nobel 1931 , a énoncé de fulgurantes vérités sur la Santé … A 82 ans le « Bol d’air Jacquier « est mon compagnon thérapeute…Merci pour vos rubriques santé . Bien cordialement à vous ! Jean Bousquet
Dr Rueff, je me permets de vous solliciter pour plusieurs questions. Mon fils de 24 ans pratique l’ultimate freesby (sport collectif) de façon intensive (prépa physique tous les jours, 2 entrainements par semaine et matchs). Il souhaite augmenter sa masse musculaire avec des compléments alimentaires. En relisant vos lettres, j’ai retenu la CoQ10 et la L-Carnitine. Est ce le plus adapté? A quelle posologie et quelle fréquence? Y a t’il d’autres alternatives en santé naturelle concernant cette demande? Auriez-vous connaissance de médecins naturopathe sur Nantes ou Angers ? En espérant que vous puissiez répondre à toutes ces questions ou nous orienter vers un de vos collègues dans notre région. Je vous remercie