Vieillir en beauté
Chère amie, cher ami,
Je vous propose ici une réflexion, voire une méditation, à propos de ce très beau poème : « Vieillir en beauté ».
Il figure en bonne place sur mon bureau et ceux qui y posent leur regard m’en demandent souvent une photocopie.
Ghyslaine Delisle, une Québécoise née en 1932, a écrit ces lignes que vous retrouverez facilement sur de nombreux sites Internet[1].
Ce poème est composé de six strophes à propos desquelles je vous propose des réflexions personnelles que vous saurez certainement compléter dans vos commentaires.« Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son cœur ;Sans remord, sans regret, sans regarder l’heure ;Aller de l’avant, arrêter d’avoir peur ;Car, à chaque âge se rattache un bonheur. »
« Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son cœur » car le cœur, à lui seul, donne l’énergie de vieillir non seulement en beauté, mais en bonté.
« Sans remord, sans regret, sans regarder l’heure » car rien n’est pire que les remords et les regrets de tous ceux qui répètent inlassablement : « C’était mieux avant ». L’heure pas plus que le temps n’ont d’importance, ni l’avant, ni l’après, car ce qui compte vraiment, c’est l’instant présent et la façon dont on le savoure. La montre n’est donc pas utile pour vieillir en beauté.
« Aller de l’avant, arrêter d’avoir peur ». Cela me fait penser à un slogan des étudiants de Mai 68 (je pense qu’en fait Pierre Dac en est l’auteur) : « Camarades, le présent est devant vous, mais si vous vous retournez, vous l’aurez dans le dos ».
Je lis en ce moment (et je vous recommande) les Lettres de prison de Nelson Mandela[2]. Même dans les pires moments, il se contraignait à ignorer la peur, celle qu’inspirait ses geôliers à qui il imposait le respect, et il demandait à ses compagnons de l’imiter, afin de garder intacte leur nature humaine. Quant à la peur ?
J’ai posté sur ma page « perso » Facebook cette petite leçon du Dalaï-Lama, dont je vous livre quelques extraits :« S’il y a de la peur, c’est qu’il n’y a pas d’amour.Quelque chose vous tracasse ? Cherchez la peur.Chaque fois qu’une émotion négative se présente à nous, elle se cache derrière une peur.En vérité, il n’y a que deux mots dans le langage de l’âme : la Peur et l’Amour.La peur est l’énergie qui contracte, referme, attire, court, cache, entasse et blesse.L’amour est l’énergie qui s’étend, s’ouvre, envoie, reste, révèle, partage et guérit.La peur retient.L’amour chérit.La peur empoigne.L’amour lâche prise.La peur laisse de la rancœur.Chaque pensée, parole ou action est fondée sur l’une ou l’autre émotion.Tu n’as aucun choix à cet égard, car il n’y a pas d’autre choix.Mais tu es libre de choisir entre les deux. (…)Car, à chaque âge, se rattache un bonheur. »
Pour moi, rien de pire que les « vieux beaux » qui veulent courir, pédaler ou escalader, pour montrer qu’ils sont aussi « jeunes et en forme » qu’à vingt ans, ou que les « vieilles belles » qui se font refaire le visage ou botoxer jusqu’à ressembler à des momies sans âge.« Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son corps ;Le garder sain en dedans, beau en dehors.Ne jamais abdiquer devant un effort.L’âge n’a rien à voir avec la mort. »
« Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son corps ». Nous nous entretenons de cela depuis le début de notre correspondance et cela ne devrait donc pas vous étonner, pas plus que « le garder sain en dedans, beau en dehors ». On dit parfois « que le corps est le temple de l’âme ». En tous cas, le dehors (la santé de la peau) est bien souvent le reflet de la santé intérieure sur laquelle les pommades n’ont pas toujours un grand effet.
Vieillir en beauté, ce n’est pas seulement bien se nourrir avec les huiles riches en oméga-3, qui apportent la santé en dedans et la beauté en dehors. C’est aussi se créer ce que j’appelle des « routines de santé », comme la pratique régulière de la cohérence cardiaque[3] des 5 tibétains[4] au réveil, ou de la méditation[5].
« Ne jamais abdiquer devant un effort ». Car l’abdication ou la résignation, c’est déjà la mort. Elle n’a rien à voir avec l’âge. Mais nous l’apprenons, chacun et chacune, dans des circonstances diverses. Ce n’est pas de la mort ou de l’âge dont nous devrions avoir peur, mais de la souffrance, du handicap, de la maladie, de la solitude, qui n’ont rien de fatal si nous savons les prévenir à temps et prendre les moyens nécessaires.« Vieillir en beauté, c’est donner un coup de pouceÀ ceux qui se sentent perdus dans la brousse,Qui ne croient plus que la vie peut être douceEt qu’il y a toujours quelqu’un à la rescousse. »
« Vieillir en beauté, c’est donner un coup de pouce ». C’est un regard et un sourire à celui ou celle qui dort dans la rue, même si vous n’avez rien d’autre à donner et, à défaut, de lui dire qu’il n’est pas « perdu dans la brousse » et que la vie peut lui sourire à nouveau. Sourire à un inconnu, c’est sourire au monde entier !
C’est téléphoner à ses ami(e)s quand on sent leurs besoins, et surtout quand on n’a rien à demander.
J’ai bien connu ceux qui sont à l’origine du SAMU social, dans les rues de Paris, et quoi de mieux que de consacrer, dans sa vie, ne serait-ce qu’une seule nuit de Noël aux Restaurants du Cœur ?« Vieillir en beauté, c’est vieillir positivement.Ne pas pleurer sur ses souvenirs d’antan.Être fier d’avoir les cheveux blancs,Car, pour être heureux, on a encore le temps. »
« Vieillir en beauté, c’est vieillir positivement » car il est bien admis que les idées négatives affaiblissent (le système immunitaire) et que les ronchonneurs permanents « qui pleurent sur leurs souvenirs d’antan » ne font pas preuve de bonheur et ne donnent pas envie de venir à eux. Le regret et la rancœur ne font mal qu’à son propre cœur. La mélancolie est le lit de la souffrance et bien souvent la porte d’entrée, ou le masque, d’un état dépressif que l’on ne veut ni reconnaître, ni voir dans le regard des autres, ni entendre dans le diagnostic de son médecin.
Lorsque j’étais jeune médecin, je suivais l’enseignement du docteur Victor Bott[6], l’un des premiers médecins à avoir exposé, en français, les grands principes de la médecine anthroposophique[7]. Il disait : « Les cheveux blancs, c’est le métal argenté, la force et la sagesse qui montent dans la tête ». Il est vrai que dans la réalité, ce n’est pas toujours le cas, mais qu’importe ?
Quant au temps du bonheur, il nous ramène à la valeur essentielle de l’instant présent. Écoutez les paroles[8] de cette très belle chanson qu’interprétait Serge Reggiani : « Le temps qui reste ».« Vieillir en beauté, c’est vieillir avec amour,Savoir donner sans rien attendre en retour ;Car, où que l’on soit, à l’aube du jour,Il y a quelqu’un à qui dire bonjour. »
« Vieillir avec amour » ? On dit que l’amour aide à vieillir et que les célibataires vieillissent plus mal que les couples. Je ne sais pas si c’est vrai, mais je sens qu’il n’y a rien de plus beau qu’un amoureux d’un certain âge, celui dont la longue vie lui a appris à bien en connaître le prix et la grâce, et qui a su « donner sans rien attendre en retour ». Ce qui, pour moi, signe la réalité de l’amour.
Quand on marche dans les villes, on s’ignore. Quand on marche dans la beauté des sentiers de randonnée de montagne, on se dit « bonjour ». C’est l’espace et la beauté qui changent notre relation, et non le temps.« Vieillir en beauté, c’est vieillir avec espoir ;Être content de soi en se couchant le soir.Et lorsque viendra le jour de non-recevoir,Se dire qu’au fond, ce n’est qu’un au revoir. »
« Vieillir avec espoir » ? L’espoir de trouver encore et encore et toujours de nouveaux instants de bonheur, parce que, justement, « on peut se coucher le soir » en paix avec soi-même. D’autres veulent dire la même chose en disant que le plus important, « c’est de pouvoir se regarder, sans grimace, dans son miroir ».
« Quant au jour de non-recevoir », chacun en fera ce qu’il veut en fonction de sa culture, de sa foi et de son état d’esprit au moment du passage que nul ne peut prévoir. Mais combien d’entre nous dans leur dernier soupir disent « nous nous reverrons »… ?
Invitée de l’émission « La Grande Librairie » qui faisait hommage à l’académicien Jean d’Ormesson, sa fille Héloïse d’Ormesson a apporté sur le plateau la note manuscrite rédigée par son père trois jours avant son décès :
« Il l’a fini samedi. J’ai trouvé ce matin cette dernière page du manuscrit :
‘‘Une beauté pour toujours. Tout passe. Tout finit. Tout disparaît. Et moi qui m’imaginais devoir vivre pour toujours, qu’est-ce que je deviens ? Il n’est pas impossible… Mais que je sois passé sur et dans ce monde où vous avez vécu est une vérité et une beauté pour toujours, et la mort elle-même ne peut rien contre moi.’’ »
Vieillir en beauté, en bonté, en bonheur et en paix devient donc un art qui se cultive. Un art que nos parents et nos enseignants pourraient être les premiers à nous faire entrevoir.
Nous sommes bien loin des cosmétiques et des injections anti-rides et plus près d’une alimentation saine, contenant tous les nutriments dont nous avons de plus en plus besoin au fur et à mesure de notre vieillissement.
Nous sommes encore plus loin de ces sourires figés à jamais par un bistouri appliqué. Mais nous sommes probablement plus près des effets d’une méditation quotidienne, des effets de l’EMDR[9] et même de quelques séances d’hypnose[10] qui peuvent nous emmener dans des univers dont nous ignorons tout, quels que soient nos doutes, nos croyances ou nos certitudes.
« Je pense, donc je suis » écrivait René Descartes. En sommes-nous bien certains ?
Les neurosciences et la physique quantique démolissent tout ce que nous croyions savoir sur le cerveau, son fonctionnement et ses possibilités de communication et d’échanges avec toute forme de vie dans le temps comme dans l’espace.
C’est bien le signe que notre temps personnel ne devrait jamais être source d’angoisses et que nous avons tout à portée de main pour mieux le comprendre.
Pour terminer, je voudrais vous confier que je me suis toujours insurgé contre ces comptes rendus d’analyses biologiques ou d’imageries médicales qui se terminent par « normal pour votre âge »… À quel âge a-t-on le droit d’être anormal ?
De même contre certains journalistes qui lâchent « on a renversé un vieux de soixante ans ». Croyez-moi, lorsqu’ils auront cet âge, ils changeront de discours.
Comme je l’ai démontré dans une de mes premières lettres, ne confondons pas l’âge chronologique (celui qui est inscrit sur notre carte d’identité) et l’âge biologique, celui que nous pouvons mesurer en faisant examiner notre morphologie, notre peau, notre vision, nos métabolismes, l’élasticité et la souplesse de nos artères, la plasticité de notre cerveau[11], la taille de notre hippocampe[12] cérébral et peut-être celle de nos télomères.
N’oubliez pas cette phrase de Daniel Pennac[13] : « Vieillir, disait mon père, est la seule façon de ne pas mourir jeune ».
J’espère que vos commentaires ajouteront bien des éléments à mes réflexions personnelles.
Docteur Dominique Rueff
Ravie de vos lettres et de vos rappels merci
Merçi pour ces beaux textes, notamment cette (petite) grande leçon du Dalaï-Lama sur l’âge qui me fait un bien fou
Un beau message .Je suis complètement d’accord avec vous.
Merci
un grand merci pour « cette magnifique » lettre sur le vieillissement en beauté ,
Bonjour Docteur,
Merci pour ces belles réflexions qui m’ont fait sourire et qui m’ont émues à la fois. Cultivons tous ces petits bonheurs du quotidien et faisons de ces moments de santé (5 tibétains, cohérence cardiaque, cuisine, dégustation …) justement des petits bonheurs.
Je pense que je relierai régulièrement cette lettre.
Cordialement,
Vincent Duplessy
Merci pour ce joli texte.
J’ai 70 ans, des cheveux blancs, mais tellement plus heureuse qu’à 20 ans!
Magnifique !
Que dire de plus ? Tout est dit
Un grand merci
Magnifique lettre …! Tellement vrai
Un grand merci !
Merci de partager ce poeme ainsi que vos commentaires si inspirants! je suis aux cotés de ma mère Irène, en fin de vie, dont le corps bouge a peine, vivant avec des fils de toutes parts( perfusion, sonde , oxygene)et qui a beaucoup apprécié ecouter votre lettre. Elle vous remercie et aimerait partager qu’elle vit et vieillit en beauté, Quand elle ne peut plus parler et articuler, elle sourit de son visage tout entier. Quand elle souffre, elle respire profondément et pratique la sophrologie, ou bien s’auto-hypnose, ou fait du reiki sur elle meme. Les medecins nous ont annoncé bien des fois qu’il ne lui restait plus que quelques jours a vivre, Elle ne se plain jamais et chaque jour est pleine de gratitude et damour. Elle vieillit en beauté et me charge de vous remercier encore!
Helene, sa fille
magnifique article merci c est très touchant et émouvant
J’étais intéressée par votre texte, quand soudain j ai lu que vous aviez connu le Dr Bott. Hélas, c etait mon ex beau père qui a failli me tuer en soignant une cystite avec des huiles essentielles….
Anthroposophe : danger.
Merveilleux article plein de sagesse et de sensibilité
Merci
Ce très beau texte bien connu méritait votre commentaire. Exercice difficile car tout y est dit.Vous l’avez fait avec brio.Merci d’avoir consacré une lettre à ce texte ,et merci d’en avoir si bien expliqué la »substantifique moelle ».
J’ai également beaucoup aimé votre réserve devant l’assertion de Descartes.
Il est vrai que la théorie quantique déroute , mais on ne peut prouver que le cerveau est bien le siège de la conscience….MERCI
Bonjour. J’ai apprécié votre article remarquable et très juste sur la manière d’apprécier chaque moment présent. Cela est devenu pour moi une nouvelle façon de vivre et de me dire que chaque jour qui se lève est une nouvelle aventure
Mourir c’est oublier d’où l’on vient, pour réapprendre à oublier où l’on va .
J’ai beaucoup apprécié votre texte, il m’a beaucoup touché .
J’ai 55 ans , bientôt 56, j’ai un métier passion de musicienne, j’ai mis au monde et élevé 4 enfants. Le mot vieillir a commencé à me toucher il y a 5 ans, j’ai vécu la terrible ménopause et surtout j’ai perdu ma maman de la Démence à corps de Lewy, l’horreur à l’état pur.
Alors j’ai commencé à me regarder, à m’apprécier , à me chouchouter. J’ai décidé de ne plus jamais avoir peur de rien ni de personne, j’ai décidé d’être heureuse avec moi-même envers et contre tout, j’ai décidé de manger mieux, de refaire du sport un peu, de me poser et surtout d’aimer la vie et de trouver la foi en ce qu’elle pouvait m’offrir chaque jour.
Je suis aujourd’hui totalement moi , dans la plénitude entière du présent qui se déroule, heureuse comme jamais dans mon corps , dans mon cœur, dans mon âme.
Très belle réflection ! Gros meci.
Quelle poesie! J’ai eu l’impression d’un arret du temps pendant la lecture de cette lettre. J’ai eu l’impression de me voir faire du Tai chi chuan comme une dans du corps silencieuse pendant cette lecture….
J’espere k c mots feront echos en nous et nous aiderons a poursuivre un chemin vertueux.
Merci pour cela a partager c sure.
merci pour ces magnifiques paroles de bienveillance, elles réveillent les somnolences du quotidien, elles balayent les poussières des usures, des lassitudes. Vous êtes un professeur de vie que l’on écoute avec déférence, un sage qui ensemence du sens à la vie …jusqu’au bout. A vous lire on se sent soudain régénéré, plus fort; ce qui prouve – comme vous le dites- que l’amour de la vie, d’autrui et aussi de son image vraie sont plus que complémentaires aux vitamines et bonnes règles de vie.Vous êtes aussi Dr de l’âme. Merci
Merci pour vos messages si plein de bon sens.
J’ai envie de dire tant de choses et en même temps je suis sans voix !!
Alors je vous dirais juste MERCI infiniment
J’ai rarement lu un texte aussi beau et réèl
Magnifique!!!
Merci pour ce beau message ♡
C’est tellement vrai.
Dommage que tant de personnes n’en ont pas conscience et n’appliquent pas cette philosophie de la VIE.
MERCI pour cette très belle lettre que je vais m’empresser de transmettre et de garder précieusement.
Encore une lettre qui fait du bien, merci à vous de nous rappeler l’essentiel. Bien vieillir peut aller de soi pour certains ou se préparer pour d’autres, accepter, sans se laisser aller pour rester en bonne santé. Merci pour cet amour de la vie que savez si bien diffuser et pour ces remèdes aussi.
Très beau, très simple, très vrai…Merci!
A vieillir, je préfère cueillir…
Cueillir à tout âge…. pour découvrir
avoir des regrets, pourquoi pas, ce n’est pas le pire…
« c’était mieux avant » et savoir le dire
Rester soi-même mais toujours cueillir.
Moi e disait ma mère enfin vieille et je pète où je
Veux et quand je veux et croyez moi dans le quartier on l’appelait ah voilà le pétard
Tout est dit dans ces beaux textes, bien pensés,je les ai lus avec émotion car Gyslaine Delisle et moi sommes de la même génération.
Cher Docteur Rueff,
J’ai adoré votre message « Vieillir en beauté » et j’ai beaucoup rigolé sur les *Vieux beaux et les « Belles vieilles », c’est tellement vrai et comique.
Votre article était très passionnant et très intéressant et m’a fait beaucoup de bien.
Un grand merci de tout coeur et gros bisous.
Janine Gidwani
Merci de partager vos pensées sur le temps qui passe …!
Je souhaiterais partager avec vous également une lecture que j’ai faite il y a quelques semaines et que j’ai trouvée poétique, sensible et sensée à la fois : « Eloge de la vieillesse » de ce grand auteur qu’a été Hermann Hesse. Ce livre de quelques pages qui parle de la vieillesse est tout simplement un hymne à la vie. Je vous encourage à sa lecture, c’est juste beau !
Vraiment de belles réflexions. Merci !
Et n’oublions pas l’injonction de St jean-Paul 2 :
« N’ayez pas peur ! »
Un plaisir que de vous lire. Un grand merci.